Témoignages

Pourquoi témoigner ?

  • Apporter un éclairage, de victime et/ou proche de victime
  • Redonner espoir aux personnes agressés, comme leur proches, qu’une guérison est possible.
  • Sortir du silence et des tabous pour que cesse de peser sur les victimes le poids de la honte et de la culpabilité
  • Sensibiliser chacun d’entre nous pour que nous participions ensemble à modifier pour que les prochaines générations n’aient pas à souffrir de ce fléau

A l’âge de deux ans et demi, j’ai été hospitalisée durant une semaine pour une crise d’anorexie sévère. Mon corps pour la première fois à dit STOP. J’ai été hospitalisée pour une crise d’anorexie sévère. Je suis convaincue que j’ai du subir une souffrance tellement intense que j’ai voulu mourir. Mais on m’a renvoyée chez mes parents qui m’ont obligée à toujours finir mes plats, peu importe le temps que je mettais. J’ai dû régulièrement manger, durant plusieurs jours, cette même assiette qui me donnait des hauts de cœur. J’avais à ma disposition des cruches d’eau pour aider la nourriture à descendre. L’important c’était d’avaler, scénario que j’ai répété quelques années plus tard, lors de mes phases boulimiques. J’ai même mangé par terre, dans le couloir avec le chien. Alors plus tard, inconsciemment, mon esprit a choisi d’exprimer ma détresse en m’imposant l’automutilation. Grattages à outrance sur mes bras, mes fesses et mes jambes sont devenus mon quotidien.

Malheureusement, mes agissements étaient une aubaine pour que mon père puisse continuer à me violer. En effet, ma mère l’avait chargé de me soigner en me badigeonnant de crème sur l’ensemble de mon corps. Chaque soir, il venait dans ma chambre me mettre de la crème, mon cauchemar continuait… Elle m’avouera vers l’âge de 17 ans qu’elle voyait que mon père avait des érections. Elle n’a rien fait.

J’ai parlé la première fois de mes souffrances à l’âge de 10,5 ans à une cousine qui m’a demandé expressément de parler à ma mère, ce que j’ai fait. Elle m’a dit « Je vais régler le problème ». Rien n’a changé. Elle a laissé faire et je me suis senti abandonnée. Mon seul moyen de survivre était de croire que j’aimai mon père, lui seul était là pour moi. Ma première histoire d’amour est celle d’une relation incestueuse qui a détruit mon corps, ma tête, mon esprit et mon âme, comme 4 millions de personnes en France.

A l’âge de 15-16 ans, j’ai commencé a essayé de me libérer toute seule. J’ai commencé à le repousser.

Un jour, j’étais en seconde, j’étais partie prendre une douche. Il est entré et m’a rejoint. Dans ce lieu, comme pour annoncer une rupture amoureuse, je lui ai annoncé que j’avais rencontré quelqu’un. Ce soir là, mon père m’a annoncé comme pour justifier son amour pour moi, que je n’étais pas sa fille. A partir de ce moment, nous avons eu des relations très violentes. Petit à petit, il s’est éloigné. Mes yeux se sont ouverts. J’ai vu qu’il faisait la même chose à ma sœur. Je m’en voulais. J’essayais de tout faire pour ça ne se passe pas. Ma mère était complice, c’était très difficile. J’avais beau alerter ma sœur,  elle ne pouvait pas se sortir de ses griffes. Elle n’avait qu’une dizaine d’année. Quelques années plus tard, je vais apprendre que finalement, il n’a pas commencé à s’intéresser à ma sœur quand je l’ai repoussé mais que cela faisait des années.

Durant toute mon adolescence, j’ai mis un point d’honneur, inconsciemment, à ne rien faire voir. A l’époque je m’enfermais dans mon sport, le judo. Durant toute cette période, j’ai beaucoup souffert de ma morphologie et mes kilos, mais personne ne venait se frotter à moi.

Pour ma part, je n’ai jamais pensé parler à d’autres adultes. De toute façon, finalement si ma mère ne m’aidais pas qui pourrait le faire. Cependant, aujourd’hui avec le recul de 25 ans de plus, je suis sur que ce n’est pas la bonne solution. Le secret est la pire chose pour une victime. Ce secret détruit l’intérieur. Il a de grandes conséquences dans la vie de couple, familiale, avec ses propres enfants, relationnelles, sociale…

Le 02 mars 1999, mon père est décédé, c’était l’année du bac. Enfin ce cauchemar était terminé et j’étais libérée. Et bien, contrairement, ça n’a été que le début d’une grande descente aux enfers. La mort de mon père n’a rien changé car ma mère complice de mon calvaire, était toujours là. Avec une pression, ne pas détruire la famille. Le poids du secret était insurmontable. De plus en plus, j’ai essayé d’en parler mais on n’y prêtait plus attention. On ne sait de me dire « Allez le passé c’est le passé. Il faut que passe à autre chose… » Plus j’étais ignorée plus je sombrais.

L’absence de reconnaissance des violences est due à la traduction du déni de la réalité des violences sexuelles en général, et particulièrement de celles faites aux mineurs, notamment des incestes. Aujourd’hui, je suis certaine que s’ajoute à cela une tradition de sous-estimation de leur gravité et de leur fréquence. C’est pour ça qu’aujourd’hui je témoigne et j’ai créer l’association les enfants de Tamar.

Mes parents m’ont détruits tant psychologiquement que physiquement. Les violences sexuelles entraînent une spirale de conséquences graves pour la santé, à l’origine d’une grande souffrance, d’un isolement et d’un risque important de désinsertion socio-professionnelle et affective. Mon histoire d’enfance a un impact sur toute ma vie : vie de couple, vie de famille, vie sociale et professionnelle.

Mais doucement, silencieusement, je bascule et j’aurai pu ne plus être là….

 

En octobre 1999, quelques mois après la naissance de ma première fille, à l’âge de 23 ans, la boulimie a refait son apparition dans ma vie, avec une accentuation des états de brûlures extrêmes lors des toilettes quotidiennes. J’ai combiné cette pathologie à une boulimie de travail. Pendant que je me noyais dans le travail, je ne pensais pas à mes souffrances. Mais tôt ou tard tout me rattrape : parothondythe et hyperthyroïdie, ces maladies sont dues à trop de stress et/ou de fatigue. Aujourd’hui, ce sont des cicatrices, comme des souvenirs. Celles-ci me démangent encore de temps en temps, probablement pour que je n’oublie jamais d’où je viens et pourquoi je suis là.

Je me souviens de cette discussion, en septembre 2009, avec ma nutritionniste me proposant d’aller rencontrer une thérapeute. J’avais ce sentiment que, de toute façon, c’était la thérapie ou la mort assurée. De plus d’envies suicidaires me traversais la tête. C’est aussi, à cette même époque, 20 ans plus tôt, à 10,5 ans, que j’avais osé parler à ma mère des agissements de mon père. Ce mal être fait aussi écho, au 10,5 de ma fille ainée.  Je prenais soudain conscience que mon destin était là, derrière cette porte, mais je n’imaginais pas quel point. Cette thérapeute a su m’écouter au cours des 12 dernières années de ma vie. Après 3 débuts de prise en charge laborieuses, j’ai eu la grâce de rencontrer quelqu’un qui m’a accompagné durant de longues années. Dans les moments où je pensais être guérie comme dans ceux où je resombrais.

 

Des maux dus à l’inceste …

 

J’ai connu les conduites à risque avec mise en danger, alliant les troubles dépressifs, les idées voir même des tentatives de suicide. Je souffrais tellement que j’avais mis un processus d’autodestruction en place. Aujourd’hui, je suis toujours très attentive car les cicatrices sont toujours là. J’ai mis en place des conduites d’évitement qui ont évité tout ce qui peut se rapporter aux agressions. J’ai combiné hyperphagie (prise importante et compulsive de nourriture) avec la boulimie de travail. Je me noyais dans le travail. Durant ce temps, je ne pensais plus à mes souffrances. De nombreux troubles envahissaient ma vie comme des troubles de l’humeur, de la personnalité, de l’alimentation, anxieux, psychotique et les symptômes dissociatifs tous dû au choc post traumatique.

Cette violence renvoie à un sentiment de danger permanent, d’insécurité et de perte de confiance, avec une hyper vigilance, Hypersensibilité, contrôle de tout l’environnement,  tension psychique et physique. Un ressenti très puissant d’injustice et d’abandon. Ce déni sociétal est dévastateur pour toutes les victimes. Un sentiment de culpabilité importante : de ne pas avoir su parler à d’autres adultes, de ne pas avoir sauvé ma sœur de cet enfer, d’avoir fait exploser la famille…

Un jour, j’ai décidé d’enclencher une démarche en justice. Et là, alors que j’étais prête, c’était trop tard, dans le cadre de mon histoire, le décès de mon père avait enterré tout possibilité de justice. Je ne pourrais jamais mettre mes parents devant les tribunaux ni pour viols aggravés sur enfants de – de 15 ans, ni pour non assistance à personnes en danger, aujourd’hui, c’est une non-dénonciation de crime, pour la complicité de ma mère.

Alors, j’ai décidé de témoigner le plus largement possible. Dans un premier temps à travers un premier livre, intitulé « Mon chemin de guérison : Du viol au pardon », publié en 2015.  Cette écriture m’a permis de mettre des mots sur mes maux. J’ai pu aller à la rencontre de mes lecteurs, souvent des personnes ayant vécues de loin ou de près ce drame. J’ai pu observer que mon témoignage permettait de libérer la parole. J’avais pu expérimenter cette libéralisation auprès de mon entourage, d’ailleurs je me suis posé la question si je n’attirais pas ce type de personnes.  J’ai de plus en plus évoqué ce sujet, dans le domaine professionnel, auprès de mes élèves, des jeunes que je pouvais accompagner dans le cadre de l’aumônerie. Puis, après plus d’un an de discernement, en octobre 2018, avec quelques personnes nous décidons de créer l’association « Les enfants de Tamar » pour nous mettre aux services des victimes de violences sexuelles et de leurs victimes.

N’oubliez pas, tôt ou tard, tout vous rattrape. C’est pour ça que parler le plutôt est primordial.

Claire-Aurélie VERAQUIN

Enseignante

« Ce silence je l’ai gardé des années durant…jusqu’à…la grossesse de ma fille en 2006, j’ai 34 ans. Les souvenirs remontent comme une urgence, je suis enceinte de 2.5 mois. Je n’ai pas fait l’échographie, mais je sais que c’est une fille, l’angoisse monte, je la reconnais cette angoisse…les cauchemars aussi refont surface. J’ai peur que cela lui arrive!

C’est la peur pour ma fille qui déterre ma mémoire.

 Entre 14 en 34 ans : j’ai vécu dans la peur des hommes : des exhibitionnistes, les regards malsains dans la rue, mais aussi le regard malsain d’hommes de mon entourage proche : à la piscine, dans la rue, au bal,… des regards « sales », qui me font me sentir sale. Le copain de Fac , que je trouvais pourtant sympathique, je le fuis quand je comprends qu’il s’intéresse à moi.

Un soir dans Évreux, je suis à pieds, je rentre chez moi, chargée de mon sac à dos. Je suis poursuivie par une voiture, qui me prend en chasse en empruntant un sens interdit. Je revis mon cauchemar d’enfant, dans la réalité, ….je courre, autant que je peux, j’ai peur,  peur de ne pas être capable d’ouvrir la serrure, tellement je tremble, je sens mes muscles me lâcher….j’arrive juste à temps dans mon logement, j’entends la voiture derrière moi,  je ferme la porte tremblante et je m’écroule!

J’ai tremblé plusieurs heures avant de pouvoir m’endormir!

 Ma sexualité en a été affectée bien sûr, ….partagée entre le plaisir, le dégoût, et ces instants où le corps s’insensibilise : je ne sens plus rien : ma tête se dissocie de mon corps, je ne suis plus dans mon corps. Comme la victime, j’attends que cela se termine, …vite, vivement que ça se termine…mon corps se tend. jusqu’à un jour…refuser toute sexualité.
Ce fut pour moi le début du parcours de guérison… ne plus accepter de subir.

La relation avec mes proches aussi est perturbée. Coupée de mes sensations, je suis incapable de recevoir la tendresse d’une amie qui m’embrasse… Incapable de recevoir de

La somatisation et un comportements perturbés

« Vont rester les cauchemars enfant puis adolescente, toujours les mêmes : je suis poursuivie par un homme, je courre, mon cœur bat très fort, j’ai du mal à respirer, mes jambes ne répondent plus, j’ai peur, je sens qu’il va me rattraper , je crie, mais aucun son ne sort de ma bouche…et le langage du corps : un eczéma récalcitrant, chronique sur les coudes, l’anus, les lèvres vaginales.

 Des flash douteux vont remonter à l’adolescence. Mais comment en parler, je ne suis plus sûre de ce qui s’est passé. Comment faire? A qui en parler? pour en faire quoi? Je ne suis même plus sûre de l’identité de l’agresseur, ma mémoire l’a effacé. J’ai le sentiment de savoir qui c’est, mais pas assez pour le jurer devant le box d’un tribunal! »

Une première sortie du silence

« Une amie au Collège repart vivre au Portugal, et dans nos échanges de courriers, je trouve le courage de me confier à elle. J’ai 14 ans.

 Ma mère découvre mon courrier l’ouvre…J’entends encore ses mots m’appelant du premier étage, « viens ici! », je monte, je la vois avec ma lettre à la main, j’ai peur…ses mots : « qu’est-ce que tu as écris? comment peux-tu écrire des chose pareilles? Tu n’est qu’une menteuse! Je t’interdis de répéter ça! »…. et cette gifle cinglante qui brûle ma joue droite, tombe comme une condamnation! Un second viol! Pire que le premier encore : le dénie d’une mère! »

 Un moment clef, qui aurait pu être pour moi celui de la réparation judiciaire, mais qui a été étouffé. J’ai continué ma vie, condamnée au silence, personne pour me soutenir, avec un sentiment de rejet et d’abandon. Et la conviction que même si ma mère ne veut pas m’aider, alors personne ne le fera.

Je n’ai plus le choix

« Ce silence je l’ai gardé des années durant…jusqu’à…la grossesse de ma fille en 2006, j’ai 34 ans. Les souvenirs remontent comme une urgence, je suis enceinte de 2.5 mois. Je n’ai pas fait l’échographie, mais je sais que c’est une fille, l’angoisse monte, je la reconnais cette angoisse…les cauchemars aussi refont surface. J’ai peur que cela lui arrive!

C’est la peur pour ma fille qui déterre ma mémoire.

 Entre 14 en 34 ans : j’ai vécu dans la peur des hommes : des exhibitionnistes, les regards malsains dans la rue, mais aussi le regard malsain d’hommes de mon entourage proche : à la piscine, dans la rue, au bal,… des regards « sales », qui me font me sentir sale. Le copain de Fac , que je trouvais pourtant sympathique, je le fuis quand je comprends qu’il s’intéresse à moi.

Un soir dans Évreux, je suis à pieds, je rentre chez moi, chargée de mon sac à dos. Je suis poursuivie par une voiture, qui me prend en chasse en empruntant un sens interdit. Je revis mon cauchemar d’enfant, dans la réalité, ….je courre, autant que je peux, j’ai peur,  peur de ne pas être capable d’ouvrir la serrure, tellement je tremble, je sens mes muscles me lâcher….j’arrive juste à temps dans mon logement, j’entends la voiture derrière moi,  je ferme la porte tremblante et je m’écroule!

J’ai tremblé plusieurs heures avant de pouvoir m’endormir!

 Ma sexualité en a été affectée bien sûr, ….partagée entre le plaisir, le dégoût, et ces instants où le corps s’insensibilise : je ne sens plus rien : ma tête se dissocie de mon corps, je ne suis plus dans mon corps. Comme la victime, j’attends que cela se termine, …vite, vivement que ça se termine…mon corps se tend. jusqu’à un jour…refuser toute sexualité.
Ce fut pour moi le début du parcours de guérison… ne plus accepter de subir.

La relation avec mes proches aussi est perturbée. Coupée de mes sensations, je suis incapable de recevoir la tendresse d’une amie qui m’embrasse… Incapable de recevoir de l’amour, le contact physique déclenchant une forme de dissociation et d’insensibilité. »

La parole, le début de la reconstruction

« La naissance de ma fille, marque un virage décisif . Il n’est plus possible de faire marche arrière, plus possible de poser le couvercle du « refoulement ». Ma guérison je l’ai décidée et traversée pour moi, mais surtout pour elle. Pour qu’elle puisse devenir la femme que j’aurais du être, sans cette cicatrice : une femme libre, entière, joyeuse, pétillante de vie. Il était important pour moi de rompre le cycle des répétitions : des viols, du silence et de la honte.

J’en parle à mon mari pour la première fois. Je fais une thérapie.

 Mon parcours fut long…, l’aide de thérapeutes, des rencontres, la vie … m’ont permis de m’approcher de plus en plus de celle que je suis vraiment et que j’aurais pu être depuis toujours. Que d’années perdues..!

Pour le constater il suffit de regarder des photos de moi à chaque étape, étonnant comme tout est inscrit dans le regard….

 La peur s’éteint, la parole se libère, la culpabilité se dissout, la colère se transforme progressivement, grâce à un cheminement personnel, spirituel, grâce à mon métier de thérapeute aussi…pour aboutir aujourd’hui, je peux le dire au PARDON!

– Le pardon à ce cousin, certainement inconscient qu’il était , je l’espère,  du mal qu’il m’a fait!

– le pardon à ma mère

– le pardon à moi-même de ne pas l’avoir dit plus tôt »

Pourquoi parler me direz vous?

  • Après tout c’est tellement plus simple de ne pas remuer ce qui fâche…
  • Pourquoi déstabiliser l’équilibre familial?
  • Pourquoi prendre le risque de ne pas être crue, reniée, exclu/e de la famille?
  • pourquoi revivre la honte?

 Le problème c’est que si la tête a préféré ensevelir les souvenirs, le corps lui s’en rappelle très bien! Il hurle sa souffrance : chaque corps trouvant sont mode d’expression.

La réparation

Une réparation d’abord pour moi, pour ma lignée, pour ma fille. Vivre allégée du poids du silence, de la honte, de la culpabilité.

C’était bien la seule que je pouvais espérer n’ayant pas été crue par ma mère, le crime étant prescrit aujourd’hui, nulle reconnaissance à espérer de la justice.

Je me pose encore la question aujourd’hui de déposer plainte, comme un acte symbolique pour témoigner que cela a bien existé et espérer que cela ne se reproduise plus

Ne pas entretenir les non-dits! Je l’ai dit a mon père il a 6 ans, il était hébété, ne savais pas quoi dire, ni quoi faire. Mais il m’a crue, et n’a remis à aucun moment en doute ma parole. Cela m’a fait du bien.

Cet été je souhaitais me confronter à mon agresseur, le mettre face à ses actes. Je l’ai eu simplement au téléphone, il a nié, changé de sujet plusieurs fois, avant d’admettre de façon générale « ce sont des choses qui peuvent arriver! »

Ne plus faire comme si! Je ne continuerai pas à donner le change pour la tranquillité familiale. J’en suis là aujourd’hui : mettre au jour ce qui a été pour que le silence et les non-dits ne puisse plus condamner personne. Mettre chacun face à ses responsabilités.

Aujourd’hui, je ne lui veux pas de mal, mais j’aimerai et j’ai l’espoir qu’un jour il puisse faire le travail de son côté : admettre, assumer, demander pardon. Non pas pour moi, car ma vie ne dépend pas de lui, mais pour lui-même.

Arléte Monteiro Dinis

Naturopathe - psycho-corporelle

Il m’a fallu attendre mes 57 ans pour me confronter à mon géniteur lui même âgé de 82 ans.

J’ai eu la force de lui dire calmement combien ils avaient nui, avec sa femme, à mon bien être et mon épanouissement de jeune adolescent et souillé notre relation filiale d’une odeur d’abandon, perverti ma relation au monde des adultes en créant chez moi un doute permanent, une méfiance, une insécurité dans tout ce que je tentais d’investir, tant professionnellement que personnellement.

Il m’a écouté, n’a pas sourcillé et n’a pas voulu…n’a pas pu… n’a pas su… me donner une explication, manifester un remord, s’excuser…

Et de nouveau cette chape de plomb qui vous renvoie, avec la force d’un boomerang, à votre quête de vérité.

Ai-je raison de vouloir comprendre un acte si anodin aux yeux de mes protecteurs (entendons mes géniteurs) ?

Ce silence est-il suffisant pour justifier mon besoin de  poser des mots sur ces violences subites sans mon consentement.

Je ne m’attarderai pas sur le cas de ma génitrice, objet de tous ces maux et qui s’est éteinte lorsque j’avais 27 ans.

La deuxième étape est en partie la conséquence de la première démarche.

C’est après le décès de mon géniteur que j’ai informé mes enfants des événements que j’ai vécus et de l’attitude des personnes qui m’ont donné la vie, sans autre engagement matériel ou affectif.

D’ailleurs, mes enfants avaient un doute fondé sur la véhémence de mes propos à l’encontre des représentants de l’église et, leur avouer ce qui m’était arrivé contribuait à crédibiliser mon arrogance récurrente.

Après ce long préambule, mais le besoin de s’exprimer est si grand…. Venons-en au fait.

Nous sommes, dans mon souvenir, dans les années 1967 et je suis hospitalisé dans l’établissement appelé « la clinique Pasteur » où j’ai subi l’ablation de l’appendice.

Nous sommes dans une ville du département de l’Eure, à Evreux exactement.

Quelques jours après cette opération est entré dans ma chambre un curé, se présentant comme un « Visiteur » des personnes hospitalisées et proposant des livres.

Je vois encore sa silhouette trapue, engoncée dans une cape qui rendait le personnage sans forme apparente, un béret comme couvre chef et cet embonpoint des gens de petite taille pour parfaire le tableau.

Et puis… et puis cette main boudinée, grassouillette… cette main de dieu qui s’aventure pour valider la conformité de l’acte chirurgical jusqu’à se perdre… cette caresse papale qui prend possession de mon sexe, s’égare sur mes testicules pour en apprécier la fraîcheur juvénile.

Des minutes d’anéantissement qui paraissent éternité sans que mot ne se dise. Et une promesse de revenir la semaine suivante me… « Visiter ».

Par chance, oserais-je dire, je suis sorti de la clinique plus rapidement que prévu.

Je mesure aujourd’hui que cette blessure corporelle avec laquelle j’ai dû construire ma vie est peut être anecdotique comparée aux témoignages des victimes de Preynat.

Mais, peut-on, doit-on parler de quantité pour évoquer les traumatismes liés à un tel viol de l’intimité d’un enfant encore sous le Joug familial, du respect du maire, de l’instituteur et du prêtre ?

J’ai raconté la scène à mes « parents » et j’ai reçu pour toute réponse une phrase qui résonne avec violence, toujours avec la même violence ;

« ON NE VA PAS FAIRE UN SCANDALE POUR SI PEU. »

 

Lorsque les mots sont prononcés par la personne qui vous a donné la vie, et que votre géniteur acquiesce par consentement mutique, l’enfant se construit avec cette banalisation.

Rétrospectivement, c’était l’époque où l’ascenseur social permettait de s’intégrer à une société   de petite bourgeoisie de province dans laquelle il ne fallait pas faire de vague.

Alors, j’ai mis cette mésaventure dans une case de mon inconscient ; dans une autre, la réponse de ma génitrice et mon géniteur et j’ai tissé un fermoir perméable pour que s’échappent les souvenirs nocifs de cette rencontre désastreuse avec la main de dieu.

Mais ne vous m’éprenez pas, il y a dans mon quotidien, un mariage incestueux entre cette main de dieu et le fil libérateur qui déroule l’écheveau de cette indécente aventure pour m’offrir du répit.

Combien de fois me suis-je réveillé pour crier mon refus, combien de fois ai-je revécu l’ascension vertigineuse de cette main libidineuse…

Si je peux aujourd’hui parler ainsi, sans détruire ce que j’ai réussi à construire, c’est simplement que j’avais à mes côtés une Muse qui, des nuits durant, a pansé mes blessures et contribué à en atténuer le vertige charnel.

Depuis une bonne décennie, les évocations de nouveaux scandales pédophiles dans les communautés religieuses ravivent la détresse de mon âme, et sont autant de coup de poignards qui saignent le livre de ma vie.

Nul ne peut s’arroger le droit de considérer que ces faits sont proscrits compte tenu de leur ancienneté.

A chaque fois, le film se rejoue, avec cette même douleur qui gangrène mon corps et  ravive ces souvenirs….

Comme si je n’avais pas droit à la paix de mon âme dans sa structuration matérielle.

Jamais, je ne pardonnerai la perversité de ce messager d’un dieu que je pensais protecteur.

Jamais, je ne pardonnerai à cet homme d’église.

Jamais, je ne pardonnerai à l’institution religieuse de s’être réfugiée derrière le secret confessionnal pour taire, dénoncer ces prédateurs qui avaient germé en son sein.

Jamais, je ne pardonnerai la faiblesse de mes géniteurs qui ont tant banalisé cet acte aussi ignoble.

Au point…

Au point de penser que ce «  POUR SI PEU » était tout à fait normal puisqu’acquiescé par un père et une mère.

Jusqu’ à sombrer dans la déviance et reproduire cette blessure…

Par chance, la force intérieure acquise auprès d’un entourage prévenant m’a très certainement permis de ne pas franchir l’irréversible…

J’ai trouvé aussi, me semble-t-il, mon salut en m’orientant bénévolement auprès des populations en difficultés sociales ; puis, professionnellement vers les personnes en situation de handicap mental grave au point de les accompagner durant 42 années d’activité professionnelle.

J’ai appris l’humilité, le respect de l’Autre, des Autres, la lutte quotidienne pour que le regard suspicieux de la société s’illumine d’humanité et entrouvre son cœur au droit à la différence.

Et pourtant, tous ces mots  de confraternité ne m’ont pas permis encore aujourd’hui de pardonner et… de tendre une main au geste invasif d’un petit curé de campagne.

Le pourrais-je un jour ?? je crois bien que non…

Et cette actualité qui n’a de cesse de troubler ma quête de sérénité.

Par ce témoignage que je vis comme une confession posthume, je veux avant tout m’adresser à tous les parents qui deviennent par leur silence, complices de ces violeurs en robe de sainteté.

Ne minimisez pas la parole de votre enfant et soyez attentifs aux mots qu’il vous livre, parfois entre deux silences et de grands soupirs, ou bien en s’isolant du monde pour se protéger.

En s’adressant à vous, il témoigne de toute la confiance qu’il vous porte et vous devez être irréprochables en lui prouvant que ces mots qu’il vous jette, bien souvent par désespoir, ne se transforment en maux irréversibles au plan émotionnel, affectif, psychologique.

La chair de votre chair ne peut pas être gangrénée par votre mutisme, et vous avez le devoir de porter sa parole auprès des autorités compétentes et l’accompagner pour que vérité jaillisse, justice se prononce et que cessent ces traumatismes cléricaux en la matière, mais malheureusement, les confréries religieuses ne sont pas les seules concernées par ces affaires de pédophilie.

Voici ce que j’avais envie d’écrire, après toutes ces années de recherche d’une vérité qui demeurera à tout jamais suspendue au mensonge de mes géniteurs.

Avec le temps, sa souffrance, on l’apprivoise ; elle fait corps avec le bonheur de construire une vie de famille, de partager avec ses enfants et petits enfants les joies simples du quotidien.

Avec le temps, tout ne s’évanouit  pas et  les cicatrices demeurent à jamais des plaies béantes de l’âme.

Merci à vous de consacrer du temps à la lecture de ce texte.

Merci pour tout ce travail de vérité qui m’a poussé à Libérer Ma Parole.

Bien évidemment, je vous autorise à diffuser ce témoignage à votre convenance, sachant que j’en assure pleinement les propos évoqués.

Bien à vous et encore merci de m’avoir donné la force d’oser écrire.

Hervé Zabukovec

Hervé Zabukovec

Je m’appelle Delphine, je vais vous raconter la mauvaise rencontre qui a changé ma vie et mon rapport aux autres, en particulier aux hommes adultes, s’en remémorer les détails restant encore douloureux.

Ceci m’est arrivé en Afrique, au Cameroun, à l’été de mes 8 ans. Je vivais chez ma tante : C’est elle qui m’a élevée jusqu’à mes 11 ans, quand ma maman est venue nous chercher pour partir vers la France. J’étais plutôt une enfant battue, craintive et très obéissante !

Un jour qu’elle m’envoie au marché acheter des tomates (c’est fou ce que la mémoire peut-être sélective), je m’y rends, je prends les tomates et, au moment de rentrer, je rencontre mon maître d’école. J’étais plutôt surprise de le rencontrer là, mais bon… Celui-ci me dit « viens je vais t’offrir une boisson », alors je l’ai suivi sans méfiance.

Arrivée chez lui (en Afrique vous avez des chambres qui donnent sur cour), je rentre et me retrouve dans cette chambre, lui étant derrière moi. En me retournant, je le vois qui verrouille la porte, puis il me demande d’enlever mes vêtements. Au début, je n’ai pas bien compris la demande ; il a répété son ordre.

En Afrique, un ordre donné par un adulte quel qu’il, appelle l’obéissance. Plus encore lorsqu’il s’agit d’un maître d’école. Je me suis donc déshabillée, là j’ai commencé à avoir peur, je me rappelle que je me disais « maman Jeannette va me tuer parce que je suis en retard » je suppose que j’ai formulé une prière muette! une fois mes habits enlevés, il fit la même chose puis m’ordonna de me mettre sur son lit, il s’est couché sur moi, rien que d’en parler j’ai des haut le cœur et des frissons ! Il y a malheureusement des sensations que je ressens encore aujourd’hui. Il s’est mis à me lécher l’oreille, quelle horreur ! puis il a écarté mes jambes, pour la pénétration, je me souviens que j’essayais de ne plus bouger du tout jusqu’à ce que tout soit terminé. Je pense qu’il n’a pas réussi à entrer, il m’a crié dessus, en me tapant dessus et en me disant lève-toi et va-t’en. C’est la dernière fois que je l’ai vu.

Je pense m’être rhabillée aussi vite que possible, et après c’est le flou complet, je ne sais pas ce que j’ai fait ni combien de temps j’ai marché, à quelle heure je suis rentrée, ce qu’il s’est passé après… Tout ce que je sais c’est que je ne voulais pas être battue pour avoir mis trop de temps à rentrer, bizarrement je ne me suis pas faite gronder, ma tante a dû remarquer que je ne devais pas être dans un état normal…

Ensuite j’ai complètement oublié cet épisode de ma vie, ma maman est venue nous chercher pour venir en France, c’était un sentiment de délivrance, mais en même temps de colère envers ma mère pour nous avoir laissés (mon frère et moi) aux mains de gens comme ma tante, qui prennent l’argent qu’on leur envoie afin de subvenir aux besoins des enfants, mais qui ne leur en font pas profiter et pire, les traitent comme des esclaves ! je peux dire que pour moi, mon arrivée en France a été une vraie renaissance, toutes les douleurs, les colères furent mises de côté, j’avais enfin une famille, un père et une mère, mon frère, le reste ne comptait plus. Je suis retournée au Cameroun 25 ans plus tard (j’avais donc 36 ans) et cette personne me faisait toujours aussi peur.

Les souvenirs me sont revenus quand j’ai rencontré mon mari. Je n’aimais pas être touchée, être embrassée encore moins, le pauvre a dû ramer pour m’apprivoiser si je peux dire ça comme ça, même aujourd’hui c’est encore compliqué, mais il m’a beaucoup aidée quand je lui ai raconté mon histoire. Je n’ai pas été suivie – psychologiquement – mais ma bouée de sauvetage c’est mon mari, il m’a tout d’abord écoutée, puis m’a conseillée de me faire suivre, cependant j’ai refusé. Du côté de la sexualité c’est très compliqué, je pourrais m’en passer sans problème, mais je sais que dans un couple il en faut quand même.

Je n’ai jamais raconté cette histoire à ma maman car c’est trop dur à accepter pour une mère (pour moi aussi d’ailleurs), déjà qu’elle culpabilise de nous avoir laissés derrière elle pendant plusieurs années, je ne voudrais pas ajouter un lot de peine supplémentaire.

Aujourd’hui je garde une grande appréhension, à la limite de la panique, quand je me retrouve seule dans un lieu confiné avec un homme. Aussi, je ne supporte pas la salive, ça peut sembler bizarre mais si quelqu’un me postillonne dessus, cela me met un dans état second, ou si mon mari fait mine de vouloir me lécher (comme une espèce de facétie affectueuse), je ressens de la rage et presque une envie de faire très mal !

Je suis une battante, j’essaie d’aller toujours de l’avant, mais il y a des choses tenaces qui vous tiennent même si vous tentez d’en faire abstraction, elles restent tapies dans un coin de votre tête et de votre corps, car lui s’en souvient.

Delphine Dochterman

Educateur sportif

J’avais 14 ans, et pas vraiment de notions de consentement. Je n’avais jamais eu de petits amis, je ne connaissais rien des relations amoureuses et encore moins des relations sexuelles. Je me souviens pourtant avoir dit non, à plusieurs reprises, de façon agressive, quand il a commencé à me toucher parce que «c’est quelque chose de normal quand on aime». Et puis trou noir.

Je ne me souviens de rien. Je n’en parle pas, j’oublie presque, jusqu’à un changement d’attitude de ma part, je me renferme, j’ai du mal avec les autres. Je finis par voir une psychologue qui libère de la parole. Je me rends compte autour de moi que je ne suis pas seule, que beaucoup ont vécu des choses différentes mais similaires dans le traumatisme qu’elles laissent. Parler avec différentes personnes, simplement, a permis que j’apprenne à vivre correctement avec ça. J’espère que de témoigner permettra d’ouvrir le dialogue, permettra à d’autres de se reconstruire. Vous n’êtes pas seuls. Osez en parler à des personnes de confiance, osez vous reconnaître victime et non coupable parce que vous portiez une jupe ce soir là, que vous étiez alcoolisée, que vous «n’avez pas vraiment dit non» ou n’importe qu’elle autre raison. Rien ne pourra jamais justifier ces actes.

Oriane G.

Votre témoignage sera relu par le comité de l’association avant d’être publié

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